Communiqué du Collectif RomParis
Bidonville Porte de Clignancourt, expulsion probable mercredi 3 février
Après une première réunion obtenue grâce à une manifestation de plus de 300 habitants du bidonville et d’une centaine de membres associatifs le 1er février devant la Mairie du 18ème, une seconde réunion entre les délégués des habitants du bidonville de la Porte de Clignancourt et des associations et des représentants de la Mairie du 18ème, mardi 2 février, n’a pas plus abouti à faire changer la position de la Mairie favorable à l’expulsion des habitants la plus rapide possible.
Le Maire du 18ème, Eric Lejoindre, a ainsi précisé lors de la réunion du Conseil d’Arrondissement du 1er février, regretter que « la décision de justice d’expulsion ne se soit pas faite avant l’hiver ».
Danger du bidonville ou danger de la rue ?
La Mairie justifie sa position par le danger d’incendie représenté par des cabanes en bois. Lors de la réunion du 1er février, les habitants ont rappelé avoir des extincteurs sur le bidonville et proposé de détruire certaines cabanes afin de laisser un espace anti-propagation du feu en assurant un service de garde nocturne. La Mairie, qui tolère par ailleurs les hôtels indignes de marchands de sommeil dans la capitale dont les risques incendie sont parfois bien plus grands, a refusé d’entendre ces propositions.
Les habitants ont rappelé à la Mairie que les risques pour les familles à dormir dans les rues sont encore plus grands.
Quelles propositions et quelle prise en compte réelle de la situation des personnes ?
Assumant la position d’intermédiaire entre les habitants du bidonville et les Préfectures de Police et de la Région, la Mairie du 18ème a confirmé que les seules propositions qui seront faites au moment de l’expulsion sont des hébergements en hôtel pour une quinzaine de jours, éventuellement renouvelables, mais pas nécessairement dans le même hôtel.
Les hôtels proposés sont souvent en banlieue lointaine. Par exemples une mère seule avec trois enfants nés en France se retrouve aux Les Ulis, une famille de sept personnes à Stains, un couple avec trois enfants scolarisés Paris 18ème à Gennevilliers, tous en studio (F1).
Avec le caractère très temporaire des hébergements proposés, la Préfecture assume donc la responsabilité d’une mise à la rue prochaine des familles. Les familles n’ont donc d’autres solutions que de reconstruire un bidonville.
Il est étonnant et consternant que la réalité de vie des personnes ne soit nullement prise en compte alors que le terrain est sous demande d’expulsion depuis plusieurs mois. Le diagnostic prévu par la circulaire de 2012 en cas d’expulsion a été si peu réalisé que les pouvoirs publics ont dû demander aux associations de prioriser les publics. Ce à quoi elles se sont bien sûr refusées, l’ensemble des personnes étant dans des situations très diverses mais toutes très difficiles, quelles que soient leurs âges ou leurs compositions familiales.
Le bidonville un symptôme extrême du mal-logement
Les quelques 20.000 habitants des bidonvilles dont 8.000 en Ile-de-France, souvent des travailleurs venant de Roumanie assimilés à la communauté Roms, servent de boucs émissaires pour masquer ce qui est le véritable état d’urgence : le mal-logement. Aujourd’hui en France, selon les chiffres dévoilés par le rapport de la Fondation Abbé Pierre, environ 3.8 millions d’habitants sont mal-logés dont près de 900.000 sont privés de tout logement personnel, 141.500 personnes n’ayant aucun domicile. A cause d’un déficit en construction de logements sociaux depuis plusieurs dizaines d’années, près de deux millions de demandes de logements sociaux sont en attente dont 606.000 en Ile-de-France, ces chiffres sont en augmentation.
Les habitants ne sont pas inertes et sont force de réaction et de proposition
Face à cette situation, l’association « les bâtisseurs de cabanes », créée au sein du bidonville des Poissonniers, propose des pistes de solutions. Les habitants de ce bidonville, lassés des expulsions à répétition, se sont mobilisés : c’est une des premières fois qu’ils manifestent pour demander le respect de leur dignité et aussi de leur droit à habiter. Mais ils ne se contentent pas de protester : avec l’appui d’architectes, d’entreprises d’insertion, ils font aussi des propositions. Ils attendent une réponse engageante à leur démarche constructive. Pas la dispersion qui empêchera toute poursuite de ce projet. Pas l’éloignement aux quatre coins de l’Ile de France pour de courtes périodes qui empêche une nouvelle fois toute intégration scolaire et professionnelle. Pas cette instabilité qui interdit tout projet à terme et contraint à un retrait durable dans les marges de la société avec tous les risques que cela représente, moins visibles mais sans doute bien plus importants que ceux de la prolongation du bidonville… Prendre quelques mois pour concevoir un projet ne demande qu’un investissement moindre de la part de la municipalité, et n’a aucun risque d’être moins efficace qu’une expulsion, si le but commun est bien de ne plus nier l’ampleur de la question des bidonvilles en Ile de France, et de s’atteler à la tâche de façon optimiste et digne….
Collectif RomParis, le 2 février 2016