La campagne dans les médias : interview de Livia Otal, coordinatrice de la mission Bidonvilles de Médecins du Monde.
Saint Denis, (LP/N.P.)
Livia Otal, coordinatrice de la mission Bidonvilles d’Ile-de-France dresse un alarmant constat de la situation humaine et sociale des habitants des bidonvilles en France aujourd’hui. Avec d’autres associations, elle réclame un moratoire sur les expulsions de campements et la mise en place de projets alternatifs pour résorber le phénomène.
Médecins du Monde (MDM), la Fondation Abbé Pierre et d’autres associations ont lancé la campagne « 25 ans de bidonvilles », qui proposera en 2016 différentes expositions, colloques, etc. Pourquoi cette campagne ?
LIVIA OTAL. Parce qu’il faut sortir du déni ! Les bidonvilles, que la France avait réussi à résorber dans les années 1960, font depuis 25 ans à nouveau partie du paysage. Le 1er bidonville est réapparu en 1990 à Nanterre (Hauts-de-Seine). En mars 2015, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées (Dihal) recensait 20 000 personnes vivant dans 577 bidonvilles. A Médecins du Monde, nous travaillons sur cette question depuis 23 ans et rien ne change ! Les politiques continuent de nier ce problème.
Les expulsions de bidonvilles n’ont jamais été si nombreuses…
Oui, car pour les pouvoirs publics, la seule réponse, c’est l’expulsion. Aujourd’hui, les habitants des bidonvilles subissent en moyenne 3 à 4 expulsions par mois ! Cela ne règle rien puisqu’il y en a toujours autant de campements. Et, humainement et socialement, c’est catastrophique. Sur le plan de la santé, nous le constatons tous les jours à MDM. A chaque expulsion, la santé des habitants se dégrade.
Vous pointez du doigt le coût économique et social de cette politique.
Selon une étude menée sur un même groupe de personnes, leurs expulsions successives pendant deux ans ont coûté à l’Etat 324 000 € ! On a aujourd’hui une génération entière qui a grandi dans des bidonvilles, au rythme des expulsions… Beaucoup de ces enfants ne sont pas ou très peu scolarisés. Leur situation est encore pire que celles des enfants des bidonvilles d’après guerre. A l’époque, il y avait des bus de ramassage scolaire, les occupants avaient une adresse administrative…
Que réclamez-vous ?
Nous voulons que la question des bidonvilles soit enfin abordée sur le plan du mal logement. Cela suppose que l’Etat ne parle plus de campements illicites mais bien de bidonvilles, et qu’il mette en place une politique de résorption comme cela a été le cas dans les années 1960-1970. Nous réclamons aussi un moratoire sur les expulsions afin de pouvoir monter des projets alternatifs de sortie des bidonvilles.